Depuis que j’ai posté le sujet il y a une semaine, je me demande comment vous partager au mieux mon avis sur le jeu. Parce que pour ma part, je me suis lancé dedans sans avoir regardé plus de deux vidéo et sans avoir lu de preview, de test ou autre compte-rendu.
Et le jeu repose tellement sur le plaisir de la découverte, même du moindre détail, que je veux laisser à tout le monde le plaisir d’y jouer vierge de toute préconception. D’autant qu’en lançant Facebook tout à l’heure, je me suis fait spoiler deux trucs déjà, certes mineurs, mais je veux tout découvrir tout seul.
Pour ma part, ces dernières années, je me demandais régulièrement si j’aurais encore la chance de ressentir à nouveau l’émerveillement que je pouvais ressentir gamin avec certains jeux, ceux dont le seul écran de titre mettais des étoiles dans les yeux (comme Secret of Mana pour moi). Ou est-ce que j’étais devenu trop blasé après plus de 30 ans de jeux video, dont un tiers à bosser dans l’industrie, pour ne plus voir que les ficelles même sur les bons jeux? Trop émoussé par la surabondance de jeux? Par les débats master race incessants des Internets?
C’est l’une des raisons pour lesquelles j’étais attiré par la Switch, dans l’espoir de retrouver cela dans l’esprit Nintendo, mais ce Zelda depasse toutes mes espérances. Je suis comme un gosse devant ce jeu, il vient toucher des cordes sensibles que bien peu d’oeuvres arrivent à toucher, à part peut-être les dessins animés de Miyazaki. Il n’y a pas une session de jeu qui se passe sans que mes yeux s’ouvrent en grand à un moment ou un autre.
Pour commencer, la direction artistique est magique. C’est l’équilibre parfait entre le côté un peu trop cartoon d’un Wind Waker et celui plus réaliste d’un Twilight Princess. Surtout, c’est associé à des animations ultra précises et variées de Link, des PNJs et de la faune, ce qui crée un véritable enchantement. Certes, le jeu n’affiche pas des centaines de PNJs, d’ennemis ou d’animaux à l’écran de façon simultanée, mais chacun semble véritablement habité d’une vie propre. C’est un régal de s’arrêter regarder certains animaux s’animer.
Le deuxième point est celui présenté dans la vidéo de @GuillaumeXIII (que je conseille d’ailleurs de ne pas forcément regarder si vous avez déjà l’intention de jouer au jeu): quand tu demandes à des développeurs/créateurs de génie de Nintendo de jouer avec un moteur physique avancé, et un cycle jour/nuit et météo, tu obtiens le jeu au monde le plus cohérent qui ait probablement jamais été créé. Là encore, le sens du détail est juste hallucinant et cela crée un environnement dans lequel il est fascinant d’évoluer. C’est là que j’ai envie de prendre une mouse avec quelqu’un qui a déjà 200 heures de jeu derrière lui pour échanger sur les petits détails qu’on a découvert ou manquer. Je pense que chaque expérience est unique.
Enfin, la liberté d’aborder le monde et l’histoire n’est pas un leurre. C’est même réducteur de résumer cela par le fait qu’on puisse aller directement au boss. Certes, on peut rapidement partir dans la direction que l’on veut, et faire l’expérience de la tension à se promener dans un territoire un peu trop risqué pour soi, mais c’est surtout que le jeu prend peu par la main. Après une vingtaine d’heures de jeu, je n’ai qu’une poignée de quêtes principales et secondaires dans mon livre de quête, mais une floppée d’activités à faire que j’ai notées par ailleurs. Le jeu réalise à merveille les deux points qui m’ont toujours le plus fasciné dans les jeux:
- suggérer plutôt que dire, pour donner à chacun le sentiment d’avoir découvert par soi-même
- récompenser l’exploration, de sorte qu’il n’y a jamais de mauvaise raison de sortir des sentiers battus
Bref, vous l’aurez compris, ce jeu est pour moi un véritable enchantement et une belle leçon de design de jeux vidéos. On a beaucoup dit que le jeu empruntait des mécaniques à de nombreux autres jeux, dont les open world occidentaux de Far Cry à Skyrim, et c’est vrai, mais j’espère aussi qu’à l’avenir de nombreux jeux s’inspireront de ce Zelda pour la manière élégante de les intégrer.
Je mets ci-dessous un exemple sur la façon d’engager le joueur sur une quête qui m’a frappée. C’est tiré de la première zone du Plateau et peut être lu sans crainte pour ceux qui ont déjà quitté cette zone.
Spoiler (Zone de départ du plateau)
Parmi les sanctuaires qu’il faut visiter, l’un d’eux se trouve dans une montagne trop froide pour les habits de départ de Link, et c’est l’un des premiers défis que le joueur doit résoudre.
Sur la table du vieil homme, il y a un livre de cuisine qui mentionne la recette d’un plat “pikpik” qui tient chaud, mais dont le vieil homme a oublié le troisième ingrédient. Du piment, de la viande, et…? L’homme dit qu’il donnera son “doublet” chaud à celui qui lui rappelera cet ingrédient manquant. La quête ne s’inscrit pas dans un livre de quête, malgré la récompense à la clef, car c’est un indice sur la façon de faire plus qu’une véritable quête.
De fait, le livre a révélé d’un coup qu’il y a deux façons de lutter contre le froid: la nourriture et les habits. Forcément, je me mets en quête de l’ingrédient manquant, et je crée plein de plats qui réchauffent, mais aucun qui plaît au vieil homme. A ce moment, j’ai assez de plats pour atteindre le sanctuaire sans problème, mais je suis un peu frustré de ne pas réussir malgré mes essais. Je me dis que j’ai dû louper un truc et je retourne lire le livre (j’avais pris des screenshots, mais pas de toutes les pages).
Forcément, j’avais lu un peu vite et je n’avais pas fait attention qu’il faut un une recette “pikpik terre-mer”. Ce qui faut donne évidemment un indice important. J’avais déjà fait le sanctuaire, mais j’ai eu mon doublet, ce qui m’a permis de visiter la zone librement.
J’ai adoré la façon dont cette non-quête totalement facultative m’a entraîné dans une longue quête de l’ingrédient manquant, tout en m’apprenant en passant des mécaniques essentielles du jeu, et qu’il faut apprendre à lire connard.