Allez je joue aussi :
- The Wire
- Seinfeld
- Flight of the Conchords
- Twin Peaks
- Black Mirror
Et en dernière place du classement, Sense8 dont je ne résiste pas à l’envie de copier/coller une critique lue sur les Cahiers du Foot :
"AAAh Sense8 et les frères Wachowski. Mais mon Dieu que c’est beau. Un vrai chef d’oeuvre… Il faut savoir que tout est beau dans Sense8. Notamment une profusion de ralentis qui ne sont pas sans rappeler les heures les plus glorieuses de Fred Godard. Non, Godard, l’autre, celui de France Télévision en Coupe de la Ligue. Du coup, prière de maintenir les épileptiques à distance. Dans chaque épisode, la narration comme l’esthétique sont soignées au possible, au service d’un message profond et d’une interrogation métaphysique, le tout même pas au prix d’un kilo de débouche-évier, vu qu’aujourd’hui il y a le téléchargement. Construction des épisodes : après nous avoir hurlé dans les oreilles une bonne dizaine de minutes “attention, c’est beau regardez comme on est des artistes baroco-néotorturés (attention « néo », référence !)”, les Wachowski passent une bonne demi-heure à se regarder filmer et écrire. S’ensuit alors un magnifique montage sur base d’un clip musical qui voit s’enchaîner des images au ralenti, des regards profonds (et parfois émus d’une nostalgie fine et forte, mais sans qu’elle leur monte au nez) de différents personnages situés aux quatre coins du monde. Sans un mot, mais en musique. Cela en dit des choses et surtout, ça fait écho au générique qui montre sur fond de clip musical qu’en fait, la série est sponsorisée par United Colors of Benetton avec quelques (très) subtiles références à des classiques, notamment « Twin Peaks ». Au bout du processus, on s’aperçoit que mince, il reste plus que six minutes, du coup utilement mises à profit pour faire avancer l’histoire, car il y en a une, c’est celle des gentils globalisés interconnectés chassés par de méchants et…bon, chassés par des méchants. Au-delà de l’esthétique pure qu’Hegel n’eut pas reniée, il y a ensuite la réflexion philosophique et sociologique profonde. Attention spoiler: on apprend grâce aux Wachowski que nous vivons dans un monde globalisé où malgré nos différences, de puissants courants nous unissent. (Je vous laisse récupérer un instant.) Il y a par exemple l’Afrique. C’est pauvre l’Afrique, et il y a de la violence. Ce n’est franchement pas facile tous les jours, d’ailleurs on le voit au ralenti, en musique et en référence à une sous-culture occidentale, celle qui adule Jean-Claude Van Damme, le plus francophone de tous les américains belges qui portent un nom flamand. Oui, c’est un peu complexe, mais c’est beau aussi et n’est-ce pas le cas de toute réflexion poussée ? En effet, les africains sont très sympas, mais il faut bien admettre qu’ils ont du mal à exister en dehors d’un référentiel occidental – sont pas rentrés dans l’Histoire, les mecs, faut croire. N’oublions pas l’Inde. Alors là-bas c’est plein de gens kitsch qui font des mariages kitsch en se référant à des divinités kitsch, mariages arrangés en plus. Mais au fond ce sont des humains aussi, respectons les différences. Non, s’il vous plaît, nous sommes tous une seule et même race. Interconnectée, la race. Il y a aussi un personnage américain, aux antipodes de tout cliché. C’est-à-dire qu’ il est jeune, musclé, blond aux yeux bleus, et il est flic. Vous croyez que ce n’est pas original? Détrompez-vous. Contrairement à toutes les autres séries américaines, ce héros-là ne s’appelle pas Jack. Il s’appelle Will. Prenez le temps de réfléchir là-dessus. Et de toute façon, vous avez le temps, il ne se passera rien de significatif avant l’épisode 49 de la saison 27. Globalisation oblige, il y a aussi une sud-coréenne. Alors chez ces gens-là, Monsieur, ça ne parle pas beaucoup, Monsieur, ça fait surtout du karate/kung fu/boxe, c’est connu. Du coup rien dans les dialogues, tout est dans les yeux. Mais comme le personnage principal coréen est une femme dans une société d’hommes, son expression tant corporelle que verbale demeure relativement bridée. Tout cela est déjà amplement impressionnant du point de vue de la réflexion sur la condition humaine, que Malraux il peut aller se coucher, mais évidemment les auteurs poussent encore plus loin l’audace philosophique. En effet, bien que tout en apparence les sépare, ces personnages (ils sont 8, habile référence à la subtilité du titre) ont des choses en commun. Des choses qui vont mettre en branle – littéralement – des mécanismes d’identification globalisante tout à fait remarquables qui leur permettront de lutter contre le mal. Tout d’abord au moins deux personnages sur les huit principaux sont homosexuels voire transgenre. Du coup les huit ne disent pas non à une bonne partouse à coups de corps musclés s’entrelaçant sur un énième clip musical. Et c’est très beau, notamment quand c’est au ralenti car le ralenti souligne…le ralenti souligne vachement tout ce qu’il y a à souligner. Et tout cela fait avancer la narration notamment parce que…bon ben c’est sur fond de musique avec du ralenti, donc c’est beau en soi, non ? Ensuite, la plupart des personnages ont en commun une capacité à philosopher sur la vie à partir d’une certaine hauteur. En effet, ils sont plusieurs personnages à avoir un réflexe qu’on devrait tous avoir plus souvent : dès que vous avez un coup de moins bien, rendez-vous sur les hauteurs de la ville que vous habitez et réfléchissez un bon coup sur les paradoxes de la vie. Asseyez-vous sur de l’herbe ou sur un banc de pierre offrant une vue imparable, regardez la ville illuminée d’une activité incessante (ouais, l’activité est incessante, c’est comme un symbole de …un symbole profond), mettez-vous des écouteurs diffusant une musique de clip et enfin interrogez-vous : tant de beauté apparente face à tant de violence réelle ? Est-ce bien raisonnable ? C’est puissant. "